24 mai 2006

Guide de l'Auteur Mort-Né (1)

Moi aussi, Je suis narcissique.
Et comme Je suis sympa avec les Escrocs de manière générale, Je vais vous donner quelques conseils qui pourraient s'avérer utiles si d'aventure vous décidiez - Je ne sais pas, Moi - par exemple de plaquer les us et méthodes de la Prostitution sur le travail d'Ecrivain.
De faire la pute avec une plume totalement lamentable, donc.

• Une règle de base, tout d'abord. Ne jamais se démonter, toujours monter d'un cran dans la provo par rapport à votre interlocuteur, et surtout, surtout, avoir réponse à tout. Et quand vous manquez de réponses toutes faites, citez Artaud ou Miller dans vos références UL-TI-MES, ça fait toujours taire (même si vous ne les avez pas plus lus que votre interlocuteur, d'ailleurs).
Quelques exemples :
- si on vous demande "
vous êtes très critique envers la société contemporaine, pourquoi ?" (parce que vous dressez évidemment "un portrait au vitriol d'une société qui a perdu ses repères" (TM)), répondez "non, je ne trouve pas. Mais c'est vrai qu'à part Ben Laden et Jean-Marie Messier, je ne vois pas trop ce qu'il reste à sauver".
Tac.

- si on vous demande "
et toutes ces histoires de fesses vous sont vraiment arrivées ?" (parce que vous parlez évidemment d'histoires de fesses), vous répondez "non, je n'ai pas tout révélé, par respect pour notre classe politique".
TAC.

- si on vous demande "
votre personnage mange des foetus, c'est choquant, non ?" (parce que vous parlez évidemment de gens qui mangent des foetus), vous répondez "non, et encore, je ne vous ai pas décrit la scène où il les vomit".
TAC.

- si on vous demande "et le fait que votre personnage fasse l'amour avec sa mère qu'il a égorgée juste auparavant, vous en dites quoi ?" (parce que vous adorez évidemment le concept d'Oedipe, le stade anal et toutes ces conneries), vous répondez "pour moi, ce genre d'images, c'est beau comme un tableau de Cézanne".
TAC.


• Ensuite, une fois cette technique du "moi-plus-moi-pire, Thierry" bien assimilée, il vous faut préparer un petit laïus puant juste à souhait pour désarmer les critiques d'un seul revers de la langue. Parce que forcément, il y en aura.
Et à ce niveau-là, c'est très simple :

- si vous écrivez comme une rascasse en décomposition, jouez sur le fait que bon, pour vous, ce qui compte c'est l'histoire, avant tout l'histoire, et le rythme, ah ça, le rythme... Pour vous, la littérature doit être un art de la Rue, ne pas être réservée à Normale Sup, à une élite, c'est bien la France, ça, blablabla. Je vous laisse développer. C'est super facile (et courant).

- si votre histoire a déjà été écrite cent fois, et mieux en plus, surfez donc sur la vague du "à la manière de" ("j'ai voulu réinterpréter, me réapproprier un thème intemporel, le mettre à la sauce du XXIème siècle, etc..."). Et puis dites que vous, ce qui est important, c'est le style, pas seulement les tripes dans le texte, mais les tripes dans le style. Revenez-en au rythme, ça paraît totalement absurde dans la démonstration mais JAMAIS PERSONNE n'interrompt un auteur quand il parle de "rythme". Ensuite, vous enchaînez sur tout le tralala des auteurs rockers, le lien à la musique, les déchirures internes, tout ça. Le poisson flottera ventre à l'air depuis longtemps, personne ne vous embêtera plus avec votre absence d'originalité.

- si votre trame ne tient pas la route, deux possibilités. Soit elle est trop simpliste pour être crédible une seule seconde, et alors vous DEVEZ vous poser comme un CONTEUR, quelqu'un d'un peu philosophe qui voit AU-DELA de la surface des choses - citez Gibran et Coelho, ce sera parfait. Soit elle est trop touffue pour être abordable sans sécateur, et alors c'est encore plus simple, vous jouez la carte du génie incompris par une société asservie par la télé et les clips vidéo, les publicités épileptiques et les stroboscopes des boîtes de nuit : du GATEAU, Je vous dis.

- si on vous reproche de NE PAS ASSEZ parler de fesses, de drogues et de défonce
(pour cacher le vide interstellaire qui vous habite), vous pouvez arrêtez de lire ce post, tous Mes conseils ne vous servent à rien.

- si on vous reproche de TROP parler de fesses, de drogues et de défonce (pour cacher le vide interstellaire qui vous habite), changez donc de plateau, vous avez du vous planter en entrant dans le studio.

- si on trouve que vous sur-vendez votre livre comme on vend une nouvelle marque de papier-toilettes, dites que... hum... ben dites, Je sais pas, Moi, qu'il y en a plein qui le font déjà. Et puis soyez honnêtes, dites que vous ne saviez même pas qu'il était possible d'être lu en usant d'autres moyens.

Et puis... Et puis... Euh...
...
Et puis si vous avez d'autres idées de critiques intelligentes qu'on peut faire à ces délicieux littérateurs qui, avant 2010, commenceront à tranquillement poser à poil dans VSD pour vendre leur came, et ben proposez... Je relève le défi. Et trouverai des réponses toutes faites pour parer à tous types de situation gênantes.
Pourquoi ? Ben... Parce je dois être un peu coprophile, finalement.
(Pour le deuxième conseil, c'est par ici que ça se passe).

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Si on vous dit que votre littérature est trop à droite/gauche: répondez que votre littérature est apolitique, et que vous vous sentez trés loin de la scéne politique française. Vous êtes un rebelle de la marge de la société, merde quoi.

Si on vous dit que l'aggrégat de notes prises à la va-vite et recyclées dans un volume que vous avez osé faire publier est un peu décousu: répondez que vous aimez l'idée de déconstruction, et que la littérature doit sortir de son cadre traditionnel. Osez le rythme, tant qu'on y est.

Si on vous dit que vous abusez des langues étrangéres et qu'un juron reste un juron, qu'il soit anglais/tamoul/breton n'y change rien et n'apporte pas le coté 'Depentes' visé: Répondez que votre oeuvre dépasse les frontières, et que les frontières sont has-been. Et qu'on devrait régulariser tous les sans-papiers (cette dernière phrase, comme tout démonstration démago, devrait eclipser le fait que vous répondez à coté).

C'est tout pour le moment. J'me casse, ou je vais me faire engueuler, ma douce vient de sussurer un "à table" aux accents de coups de pelle en travers de la tronche.

24/05/2006 19:54  
Anonymous Anonyme said...

J'adore Le second degré bien présent tout en même temps qu'une vérité bien présente, c'est génial!

25/05/2006 12:35  
Blogger Le Taulier said...

Bankair - Mon héros, dire que je n'avais pas pensé à l'anglicisme facile. Goddamisme de ma prose, Unbelievablité de mon Trend. Putain, J'ai été nul. Merci, mon héros. Et il y en a TELLEMENT d'autres. De quoi noyer tous les poissons de la planète (si si, il en reste encore quelques uns qui respirent encore).

Céhaime - merci beaucoup. Pour reprendre la thématique du dernier post de ton "Mon blog" à Toi, le second degré / vérité (ou l'action / second degré, ah ah ah), voilà la meilleure arme du monde contre le risque.
Dire ce que tu penses sans te prendre au sérieux.
Etouffer les critiques sous un kilo d'ironie.
Une technique de lâche.
Une technique de pleutre.
L'histoire de ma vie, en somme.

25/05/2006 15:01  

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